Ce n’est pas grave, les larmes

Pleurer est un exutoire, une libération. Mais cela semble encore mal venu aujourd’hui dans notre société. Comme si on n’avait pas le droit d’exprimer son chagrin.
Comme si pleurer était un signe de faiblesse.

Certains après la mort de Baptiste m’avaient dit : « Sois forte ». Mais ça veut dire quoi « Sois forte » ? Ça veut dire : ne pas pleurer ? Mon médecin au contraire m’a dit : « Vous avez le droit de pleurer, votre chagrin est légitime ».

Les larmes, ça libère tellement de ce trop plein d’émotions, de cette souffrance, de cette douleur. Et au fond, ce n’est pas grave les larmes.

Par contre, cela met les autres tellement mal à l’aise.
Dans cette crainte, quelquefois on se censure soi-même quand on sent que l’émotion va nous gagner, pour ne pas déranger la personne avec qui on parle.

Vingt cinq ans après, parler de mon fils disparu me fait encore parfois monter les larmes aux yeux. Et je retrouve souvent cette même gêne chez l’autre.

Quand cela arrive je dis souvent à mon interlocuteur : « Tu sais, les larmes, ce n’est pas grave. C’est juste l’expression d’une émotion ». D’ailleurs, quand le rire fait pleurer cela ne gêne personne…

J’ai entendu une maman endeuillée répondre à ses amis quand cela lui arrivait : « Le fait que cela me fasse pleurer ne veut pas dire que je ne veux pas en parler avec vous ».

Pourquoi les larmes dérangent-elles autant ? Sans doute parce que cela renvoie l’autre à sa propre émotion. Ou parce qu’on se sent si démuni face à celui qui pleure. On ne sait comment le consoler. Mais justement, faut-il consoler ? Peut-être faut-il ne rien dire et juste accepter les larmes de l’autre qui n’attend pas forcément quelque chose.

Si cela gêne les autres quand on pleure, c’est peut-être qu’ils se sentent responsables d’avoir réveillé un chagrin, une douleur. Ils ne savent pas ou ne peuvent s’imaginer que cette douleur est là en nous, en permanence, plus ou moins prégnante. Et les larmes la rendent seulement visible.

Les larmes sont juste la traduction de l’amour pour ce petit disparu trop tôt. La matérialisation des maux de l’âme et du manque de lui. Il nous manquera toute notre vie. Alors à certains moments c’est plus fort qu’à d’autres : on ne contrôle pas, ça nous submerge de façon inattendue. C’est une vague enfouie au fond de nous qui surgit, une marée de tendresse, d’amour et de chagrin mêlés. C’est, selon les circonstances, une larme écrasée à peine perceptible pour l’autre ou un flot intarissable. Et ça peut passer aussi vite que c’est venu.

Mais ceux qui pleurent sont unanimes : pleurer apaise, rassérène et soigne le cœur.

Laissez-nous nos larmes.