L’absent des fêtes de Noël

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Noël est la fête des enfants et nous avions projeté une ambiance festive, avec le ou les nôtres. Aujourd’hui il nous faut faire face à l’absence. Avec le temps, on apprend à composer avec l’absence de notre enfant. Mais les premiers Noël peuvent être particulièrement éprouvants. En discuter et réfléchir avant, peut nous préparer à affronter ces moments, à mettre en place des « stratégies » face aux sollicitations de la famille et des amis durant cette période.

Arlette Garih, psychanalyste, évoque quelques « pistes » qui pourront peut-être aider à vivre ces événements.

Qu’est-ce que « les fêtes » sans notre enfant ?

On est censé être joyeux, et c’est exactement l’inverse. Évidemment on ne veut pas « gâcher l’ambiance » et en même temps, on ne sait pas comment se comporter. Les autres ne savent pas non plus comment être avec nous.

On se sent encore plus seul que d’habitude. Déjà en règle générale, on ne se sent pas bien compris par les gens qui nous entourent… et là c’est encore pire parce qu’on est complètement en décalage.

« Allez, c’est la fête, il faut vous secouer », cette phrase est insupportable à entendre.

Et si l’enfant disparu n’était pas le premier enfant, il faut faire Noël avec ses autres enfants, et cela est excessivement compliqué.

Ce n’est pas facile non plus avec son conjoint, car on n’est pas forcément sur « les mêmes longueurs d’onde ». Ces attentes qui divergent, renforcent l’impression de profonde solitude.

Quelques conseils

Pour vous parents endeuillés : ne pas se forcer à quoi que ce soit !

Arlette Garih
Arlette Garih

Il est important de s’écouter et de s’autoriser à dire au risque de ne pas être compris. C’est au parent endeuillé de donner ses limites : de dire ce qu’il souhaite ou pas, ce qui est possible pour lui ou non.

Il ne faut pas se dire « ils vont mal le prendre » et il faut assumer ce qu’on veut ou ne veut pas. Il est mieux d’être authentique. Ceux qui ne comprennent pas, tant pis !

Si on ne se force pas, et qu’on ne participe pas à la fête ou différemment, on s’économise psychiquement. C’est préventif, d’autant qu’on a peu d’énergie.

Ceci est valable pour tout autre évènement : baptême, mariage, rentrée des classes…

Pour vous qui êtes proche de parents endeuillés : la consolation ne marche pas !

Rien ne sert d’essayer de consoler, car le parent endeuillé est inconsolable et la tristesse fait partie du deuil.

Quand on essaye de consoler quelqu’un qui est en deuil, on coupe le dialogue et on risque de dire des phrases assassines, ou pire de minimiser la souffrance de la perte de leur enfant.

Tous les parents endeuillés ont entendu ce type de phrase : « vous verrez, vous en aurez un autre », « il était petit, il n’y a pas de souvenirs », et c’est insupportable.

Il n’y a rien à consoler, on ne peut qu’attester du fait que ce qui est arrivé, est un drame, un malheur.

Le mieux est d’écouter avec empathie, et de comprendre que l’on ne peut pas, par une phrase enlever cette douleur, cette épreuve liée à la perte de son enfant.

Des Noël à réinventer

Des témoignages de parents, présents lors de notre rencontre à thème du 26 novembre 2015 « l’absent de Noël », illustrent quelques moments difficiles à ré-imaginer.

Les fêtes de Noël

« On s’est dit qu’il fallait que l’on réinvente quelque chose. C’est nous qui avons essayé de diriger les gens. On a dit « on aimerait bien que cela se passe comme cela », ou « en tout cas, on ne veut pas de ça ». Ce n’est pas toujours simple mais c’est comme ça que cela s’est passé le moins mal. On a fait quand même quelque chose… même si ce n’était pas la fête … on n’était pas seul… On a pris seulement les instants dont on avait envie et besoin. »

Arlette Garih : Finalement pour les autres, c’est salvateur car ils sentent que vous faites ce qui est possible et bien pour vous.

L’épisode redoutable de la photo de famille

« C’est une épreuve. L’absence de l’enfant y est tellement visible. Va-t-on sourire ? On n’a pas envie de se voir faire la tête sur la photo qui va rester dans les archives familiales… Et en même temps on n’a pas cette joie … On décide sans doute dans l’instant du visage que l’on se compose… »

Arlette Garih: On peut aussi partir en douce juste au moment de la photo.

La difficulté de sortir

On est resté 13 jours à l’hôpital avec le bébé, puis ressorti sans lui… Rentré à la maison , mon conjoint lui, arrivait à ressortir dehors avec des parents ou des amis ou même pour faire une petite course, du vélo… pour essayer de se vider la tête comme il pouvait. Moi je ne sortais pas du tout même pour aller faire des courses… Parce que si je sortais, c’était l’angoisse.  Je voyais des femmes enceintes partout, des poussettes, c’était horrible. Je voulais qu’on se dépêche, qu’on s’en aille… Je me disais « essaye de ne regarder que des choses à la hauteur de tes yeux », mais dès que je baissais les yeux, je tombais sur une poussette. Mon conjoint me disait en rentrant des courses : avant tu étais une pile, je ne t’aurais pas retrouvé, et maintenant tu n’as pas bougé, tu es au même endroit. Je ne m’en rendais même pas compte que je ne bougeais pas. Et on était pas à Noël, mais au mois d’août…

Arlette Garih: Le fait de prendre le temps, de ne pas s’obliger à bouger, ce n’est pas si mal. C’est aussi ce qui permet de rebondir. Il y a des gens qui se disent, il faut que je bouge, que je fasse quelque chose et ce n’est pas toujours lucratif. En étant assis comme ça, un peu comme un paquet, on prend acte. C’est une manière d’infuser dans la tristesse et on passe des stades les uns derrière les autres. C’est une réaction adaptée au moment. Parfois cela peut quand même revenir en boomerang, des mois après. Mais le plus souvent c’est progressif, un peu en dents de scie avec des moments où on est bien, où on rit. A l’extérieur, c’est épouvantable parce qu’on ne remarque que ça, les poussettes, les femmes enceintes, les enfants. Comme les gens qui ont un cancer ne vont remarquer que ceux qui ont une perruque. On est attiré par ce qui nous touche. Inconsciemment même, on le recherche, on est attiré par ce qui nous manque.

Arlette Garih nous rappelle les phases du deuil : sidération, déni, révolte, dépression … et parfois il y a de la culpabilité. Puis petit à petit on apprivoise ce manque jusqu’à composer avec l’absence…

Retrouvez le compte-rendu complet de cette réunion dans ce fichier PDF.

Nous vous proposons également « Pour faire face aux fêtes de fin d’année« , un texte de Christophe Fauré transmis par l’association Jonathan Pierre Vivantes.