Les dates anniversaires, apprivoiser la douleur

Anniversaire… ce mot est tellement associé à la joie.
Mais quand le cœur n’est pas à la fête, comment faire pour appréhender ces dates charnières que sont l’anniversaire de sa naissance, l’anniversaire de son décès ?
Comment accueillir ces émotions, cette douleur ainsi réactivées ?
Une Maman témoigne.

 « Quelle difficulté que cette notion de date anniversaire quand on parle du deuil. Ce mot, anniversaire, a dans notre esprit un écho de fête, de joie, un petit côté « joyeux anniversaire », qui fait que l’on ne sait plus à quelle date se vouer.

L’étymologie du mot anniversaire est : « qui revient chaque année ». Voilà qui est déjà plus clair. Et l’on comprend alors que ce mot peut s’associer à toute sorte d’événements qui a tendance à se perpétuer chaque année.

Qu’en est-il donc de cet anniversaire tant redouté par les parents, de cette fameuse dépression attendue à son décours, qui fait que certains accompagnateurs des personnes n’hésitent pas à proposer leur écoute spécialement à cette occasion ?

« Je me plais à me remémorer la joie de son arrivée »

Chronologiquement, la première date anniversaire, celle qui annonce toutes les autres, est celle de la naissance de l’enfant. Entre le moment où le drame survient et cette date, le temps est sans repère, ou si peu. L’esprit humain a cette particularité de se situer dans le temps en comparant ce qu’il faisait les années précédentes aux mêmes dates repères (vacances, fêtes…). Il n’y a pas beaucoup de repères de vie avec l’enfant lorsqu’il est en gestation. Même si l’histoire de l’enfant se construit avant sa naissance, celle du drame semble commencer à la naissance.

Premier pincement au cœur, où je ne peux m’empêcher de me dire qu’il aurait un an aujourd’hui, que ce bonheur est à jamais perdu. Mais je me plais à me remémorer, au fil des jours, la joie de l’arrivée de ce petit être tant chéri, nos projets, nos attentes, notre futur d’alors. J’aime à me ressourcer dans ces petits instants de bonheur. Ils ont été si rares ces derniers temps qu’on croirait presque que ce n’était qu’un cauchemar.

Affronter sa disparition une seconde fois

Au fur et à mesure que l’autre anniversaire s’avance, celui du décès, je sens confusément que je vais revivre le drame, comme une horloge parfaitement réglée égrener ces instants perdus dans l’espace d’une éternité. Le futur va s’arrêter, le présent perdre son sens et sa présence, la douleur être là, immense, immonde, incontournable.

Cette impression d’avancer vers l’échafaud pour y perdre la raison, le cœur et peut-être la vie. Ce grand vide, cette grande inconnue de savoir si je serai capable d’affronter une seconde fois ce traumatisme si violent qu’on se sent se liquéfier sur pieds. J’aimerais tant pouvoir reculer, m’enfuir pour y échapper. Alors la panique peut m’envahir…

Anniversaire ?  Le premier anniversaire du décès est certainement le plus douloureux. Le deuil est toujours réactivé. L’inconnu est total, la peur à son paroxysme. Il existe peu de témoignages à ce sujet, pourtant cela pourrait peut-être aider de savoir que l’on en sort souvent presque indemne, vivant toujours.

Viennent ensuite les autres dates, celles que j’appelle les « sociales », qui vous rappellent cruellement votre perte de statut. Car perdre un enfant, c’est aussi perdre un statut de famille nombreuse, ou de famille tout court. On peut redevenir un couple. Il y a celle qui vous rejette dans votre fonction « ratée » : la fête des mères ; celle qui vous enfonce le clou plus profondément dans l’histoire de l’infortuné enfant : Noël, le seul qu’il a eu, ou celui qu’il n’a jamais eu.

Et puis, il y a les anniversaires « commerciaux », vous savez ceux des marchands de couches : « Votre petit Rémi doit commencer à marcher maintenant… », qui vous ravagent une journée par la colère de cet anniversaire imprévu, indécent, et pour lequel on n’a aucune envie de retourner le courrier avec écrit dessus « décédé » comme on le fait pour les adultes.

« Un anniversaire, ça s’apprivoise »

Des occasions d’anniversaire, il n’en manque pas, dont la joie n’est pas vraiment l’ingrédient principal…On aimerait par contre des anniversaires d’amitié, de solidarité – c’est tellement réconfortant quand quelqu’un s’inquiète pour vous dans ces moments-là, avec des gros gâteaux, histoire de troquer une crise de larmes…contre une crise de foie.

Pour mon compagnon de vie, la date anniversaire, c’est celle du décès, rappel annuel traumatisant. Pour moi, c’est celle de la naissance, car je considère qu’un enfant est un cadeau, même si son passage parmi nous est court.

L’anniversaire, avec le temps, c’est celui que l’on se choisit, suivant ce que l’on veut garder de son vécu. Parce que finalement un anniversaire, ça s’apprivoise, pour le faire taire ou le faire vivre.

Pont-Sainte-Maxence, Charlaine Durand

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