Au Revoir Podcast – Sophie de Chivré

Des podcasts pour se reconstruire et des podcasts pour lever le masque et le tabou du deuil périnatal ? Nous vous invitons à en faire l’expérience tout en douceur en faisant connaissance avec Sophie de Chivré, la réalisatrice de 34 podcasts depuis l’année dernière.

Deuil périnatal : un podcast pour briser le tabou

Exprimer l’inexprimable, rompre avec la solitude, renouer avec l’espoir : voilà quelques-unes des ambitions du programme « Au Revoir ». Depuis septembre 2020, des parents y racontent le chemin parcouru depuis la perte de leur bébé. Naître et Vivre a rencontré sa créatrice, Sophie de Chivré.

Pouvez-vous nous présenter le podcast Au Revoir ?

Au Revoir podcast a été lancé en septembre 2020 suite à mon envie de créer quelque chose sur le deuil périnatal. J’ai longuement réfléchi à la forme que cela allait prendre et je me suis dit qu’un podcast aurait, dans un premier temps, plusieurs avantages : la gratuité pour y accéder,  la possibilité de diffuser facilement du contenu pour informer sur le deuil périnatal mais aussi soutenir les personnes qui y sont confrontées, ​et enfin, le fait de faire littéralement « entendre la voix » de mes invités. Je trouve ça très important pour créer une sorte de « cocon », d’intimité et de proximité entre cette personne et les auditrices et auditeurs. Au début, je mettais en ligne un épisode tous les quinze jours, maintenant c’est un par semaine et je prépare actuellement la deuxième saison.

– Il s’agit d’entretiens et de portraits. Qui sont les intervenants ?

Il y a différents formats d’épisodes. Le format « long » (environ 40 minutes) est davantage un portrait de mon invité, la plupart du temps une femme ou un homme qui a vécu un deuil périnatal. A chaque fois, l’angle adopté est différent (vivre un deuil périnatal en plein confinement, la fausse couche après un parcours PMA à l’étranger, le post-partum sans son bébé, la prématurité, etc). Les situations familiales et les réalités médicales sont également différentes et permettent de mettre en exergue la pluralité des deuils.  J’inclus les grossesses arrêtées au premier trimestre à partir du moment où mon invitée a eu le sentiment de passer par le processus de deuil. A côté de ça, je vais mettre de plus en plus en ligne des entretiens avec des professionnel·le·s, des soignant·e·s avec le but d’informer sur une problématique particulière : la dépression post-partum (déjà en ligne), les fausses-couches, le deuil périnatal dans la fratrie, le deuil périnatal et le parcours PMA, etc.

– Ce podcast est né de votre propre histoire ? Vous avez perdu une petite fille.

Oui, je ne me serais probablement jamais intéressée au deuil périnatal si je n’avais pas perdu moi-même ma première fille au cours de la grossesse. Honnêtement, quand j’y ai été confrontée fin 2017, je ne connaissais personne qui avait vécu cela et je me suis sentie très isolée. Bien entourée par mes proches, certes, mais très seule, du fait de ne pouvoir en parler librement avec quelqu’un qui me comprendrait à 100%. J’ai été journaliste, je faisais une thèse en histoire et m’étais spécialisée dans les questions de maternité notamment (thèse que j’ai arrêtée après cette épreuve). Après avoir rejeté en bloc toutes les thématiques qui me passionnaient auparavant (je n’arrivais plus du tout à travailler sur la famille…), j’ai décidé de me réapproprier petit à petit ma propre histoire et de mettre mes compétences au service de ce podcast.

– Pourquoi est-ce important de mettre des mots sur le deuil périnatal ?

Souvent, quand on est confronté au deuil périnatal, on vit l’inimaginable. On ne sait même pas qu’il y a un mot pour désigner cette réalité, on se sent seul·e, on ressent toute une multitude d’émotions, on doit encaisser les annonces de grossesses des autres, on doit franchir des étapes qui nous semblent aberrantes (les obsèques, le rapport d’autopsie, etc.). On ne sait même pas si on pourra être de nouveau heureux un jour. Même quand les situations sont différentes, on se rend compte que celles et ceux qui ont traversé un deuil de ce type ont de nombreux questionnements en commun, des émotions parfois similaires, franchissent des étapes communes. C’est important de regrouper des personnes qui se comprennent entre elles, qui peuvent s’entraider. Ecouter la parole de quelqu’un qui a vécu ce deuil il y a plusieurs mois ou plusieurs années, quand on vient soi-même de vivre ce drame, c’est une manière de se sentir moins seul mais aussi d’avoir des motifs d’espoir.

– Pourquoi selon vous, la société, l’entourage parfois des parents endeuillés,  a tant de mal à parler de l’enfant décédé?

Je pense que cela est lié à plusieurs facteurs : d’une part, dans certaines familles, on parle peu, on tait les sentiments, les émotions et il n’y a pas d’espace pour exprimer tout ce qui relève du deuil périnatal. Je pense que c’est de moins en moins vrai, mais il n’empêche que c’est encore le cas dans certaines familles. D’autre part, le deuil périnatal paraît tellement inconcevable qu’il effraie et on préfère ne pas trop en parler : beaucoup de personnes ne savent pas comment aider les parents endeuillés, ont peur de remuer le couteau dans la plaie, de faire du mal en posant des questions ou alors elles ont énormément de mal à se figurer ce que les parents traversent (et ces derniers peuvent aussi avoir des difficultés à exprimer cela). L’idée de mon podcast, c’était aussi de tendre une main aux proches qui aimeraient en savoir plus, aider davantage, sans vraiment savoir comment faire. Face au deuil périnatal, personne n’a véritablement de repères !


– Pourquoi le titre Au revoir ?

Je crois qu’il s’est imposé de lui-même et je me suis rendue compte au cours des entretiens que j’ai enregistrés avec les parents que ce mot, il revenait systématiquement dans la bouche des mères et des pères endeuillés. Et puis même si, finalement, on dit au revoir à son bébé, cette fin est ouverte : en fonction de nos croyances, des idées que l’on se fait de la mort, on peut peut-être se dire qu’on se reverra un jour.

–  Quels conseils donneriez-vous à des parents qui viennent de perdre leur enfant ? Parler ? Parler à tout prix ?

Mon premier conseil, ce serait surtout qu’ils s’écoutent et qu’ils se concentrent sur eux-mêmes. Qu’ils aient envie d’être entourés, d’être seuls, de parler, de ne pas parler, de sortir de chez eux ou de rester sur leur canapé pendant deux jours à regarder des séries, c’est eux qui savent ce qui leur fera du bien à un instant T. Il ne s’agit pas de parler à tout prix mais s’ils ressentent le besoin de parler, alors oui, il faut essayer de le faire, de trouver la bonne personne qui saura les écouter, qu’il s’agisse d’un·e ami·e, d’un·e psy, d’un parent. Parfois on a envie de crier au monde ce qu’on ressent, d’expliquer ce qu’on a vécu : le plus dur est finalement de trouver la bonne personne pour accueillir cette parole.

– Échanger avec d’autres parents endeuillés comme le propose l’association Naître et Vivre, peut aussi être aidant ?

Sans aucun doute : oui ! Je n’ai moi-même pas participé à un groupe de parole, je n’en ressentais pas le besoin mais je sais que beaucoup de parents trouvent cela bénéfique. Que ce soit sur des forums, en visioconférence, sur les réseaux sociaux ou de visu dans des groupes de parole, je crois qu’échanger avec des personnes qui ont vécu ce deuil est toujours très réconfortant.

Propos recueillis par VB.

Pour retrouver les épisodes c’est ici