Témoignage
A priori ce matin-là était un matin totalement ordinaire. Nos vacances étaient terminées depuis quinze jours. Notre fille, gardée par son papa, ne retournait à la crèche que le lendemain. Et moi j’allais travailler.
En apparence, je me suis levée comme chaque matin, ai pris mon petit déjeuner, aéré notre maison, réorganisé les coussins, les jeux…
Comme chaque matin j’ai enfourché mon vélo et me voilà partie pour commencer cette journée.
Je n’avais pas prévu, comme souvent il peut arriver, qu’un vague à l’âme profond allait me submerger tout le long de ce trajet.
A la vue de tous ces parents, de tous ces enfants prêts à attendre cette fatidique rentrée d’école sur les trottoirs, ce matin-là ne fut plus tout à fait ordinaire.
Cartables à la main ou sur le dos, le mien fut de plus en plus lourd à porter au fur et à mesure que je pédalais. A la fois lourd et tellement vide de ne pouvoir encore une fois vivre ce moment- là.
Première école, je n’ai pas le choix de passer devant.
Deuxième école, je choisis de prendre un chemin de traverse pour ne pas m’infliger d’autant plus cette vision me rappelant cette impossibilité pour nous de connaître ce moment-là du fait du décès de notre petit garçon il y a six ans maintenant.
Mes collègues ne sont pas encore arrivées. Elles font, elles, la rentrée scolaire de leurs enfants.
J’autorise alors que les larmes coulent, coulent, coulent, le long de mon visage pour libérer enfin cette boule qui s’est logée en l’espace de dix minutes dans ma poitrine.
Insaisissable, cette vague d’émotions intense est toujours aussi surprenante six ans après.
Ce jour-là, évidemment je le savais intérieurement, était la rentrée scolaire pour de nombreux enfants (sauf le mien). Je l’avais oublié ou peut-être occulté pour mieux continuer à avancer.
E.F.
publié le 23 octobre 2018
Voir aussi le compte rendu de la réunion à thème animée par Arlette Garih, psychanalyste : « Comment envisager la rentrée sans eux ? Que peut apporter l’association Naitre et Vivre ? «