Ce premier Noël sans lui

18 Déc 2020 | Actualités Naître et Vivre, Témoignages

Difficiles à vivre ces premières fois sans lui… ce premier Noël sans lui.

Après la mort de mon fils, décédé à cinq mois et dix jours, toutes ces choses que j’ai dû refaire pour la première fois sans lui m’ont été tellement douloureuses. J’ai bien cru ne pas pouvoir surmonter certaines épreuves, comme le premier anniversaire de sa naissance, puis celui de son décès, qui, à chaque fois, ont rouvert une plaie si difficile à cicatriser.

Ce premier Noël sans lui n’avait aucun sens. Huit mois après son décès, tout le monde semblait avoir déjà oublié. Même ma famille proche ne comprenait pas notre tristesse, notre manque d’entrain. Nous n’avions pas envie de cette fête. Les illuminations dans les rues et les vitrines regorgeant de cadeaux nous paraissaient indécentes et tellement surréalistes.

La première fois que je suis retournée travailler, tout le monde semblait savoir. J’ai dû affronter les regards des collègues, lire dans leurs yeux qu’ils savaient mais n’osaient pas m’en parler. Était-ce de la pitié ? Ou la gêne de ne pas savoir comment aborder le sujet ?

 

Vinrent les premières grandes vacances sans lui. À l’arrivée dans notre location, l’espace où j’avais imaginé mettre son lit de voyage m’obsédait. Je ne voyais qu’un trou béant.

Il y eut aussi ceux que j’ai revus pour la première fois quelques semaines après son décès… Cette copine, que je n’avais pas croisée depuis le début de ma grossesse, et qui me lança au détour d’une rencontre : « Alors, t’as eu quoi ? ». Là, j’étais pétrifiée. Il m’a fallu lui annoncer et cela m’a fait replonger.

 

 

Et cette première rencontre avec un bébé du même âge. Lorsque ma cousine, avec qui j’avais beaucoup échangé après le décès, s’est approchée de moi, portant son bébé, le vide de mes bras m’est apparu sidéral. Quand elle m’a tendu son petit, m’invitant à le prendre, ce fut la panique. Comment pouvait-elle me proposer ainsi d’être infidèle à mon bébé ? Et se souvenait-elle de ma peur ne n’être plus à la hauteur, de ne plus jamais savoir faire les gestes ? J’ai pensé m’enfuir… mais il y avait dans le regard de ma cousine tant de bienveillance, tant de générosité, qu’avec une infinie lenteur, mes bras se sont ouverts à ce bébé qui regardait mes larmes couler en souriant.

 

Mon compagnon m’a raconté son premier footing avec les amis de toujours. Tous étaient venus, visiblement embarrassés, mais présents. Ils ont égrené les kilomètres, plus silencieux qu’à l’accoutumée. Plus groupés aussi, comme pour faire front… A l’arrivée, les mots manquaient, mais les gestes en disaient long. Aujourd’hui encore, il se souvient de cette main qui s’attardait dans la sienne, de cette autre doucement posée sur son épaule et de l’intensité des regards échangés.

 

 

Et puis cette première nouvelle grossesse, quand le nouveau bébé a dépassé l’âge de son frère décédé, quand il a fait toutes ces découvertes que mon aîné n’a jamais faites, toutes ces premières fois que je n’ai pas connues avec lui. Cette avancée sur le chemin de la vie restait tellement imprégnée de l’absence.

Après avoir traversé toutes ces premières fois, je dois dire que la route s’ouvrait désormais devant moi. La tâche était moins rude. Le Noël suivant fut plus léger. Seulement un peu plus léger.

Un peu plus légers chaque année, les Noëls ne seront plus jamais pareils. Mon fils, absent physiquement, sera toujours là. Il a pris sa place autrement.

 

Maman de Baptiste

Papa de Justine