J’ai lu sur le blog du Dr Jennifer Gunter, gynécologue-obstétricienne américaine, un article sur quoi faire/dire, ou non, lorsqu’on a un(e) ami(e) qui a perdu un bébé à la naissance, ou qui a un prématuré hospitalisé en réanimation néonatale. On est souvent désarmé lorsqu’un proche traverse un drame comme celui du deuil périnatal. On aimerait aider, réconforter, mais on ne trouve pas forcément les mots, on a peur de dire des bêtises, de mal faire.
Cet article propose des pistes intéressantes. Il ne s’agit pas d’une bible. Lisez cet article comme ce qu’il est, c’est-à-dire l’avis d’une gynécologue-obstétricienne américaine, qui se trouve avoir également vécu personnellement la perte d’un enfant et le long chemin de la prématurité.
En aucun cas, cet article ne détient « la » vérité suprême sur quoi faire/dire. Mais les idées qu’elle développe sont je trouve intéressantes, même si certaines semblent un peu incongrues du point de vue de notre culture française. Et surtout elles peuvent vous éviter quelques grosses bourdes.
A vous ensuite d’imaginer, selon votre personnalité et celle de votre ami(e), comment l’aider et le/la soutenir au mieux pendant le deuil, cette période extrêmement difficile.
Une amie a accouché prématurément de jumeaux. L’un est en réanimation néonatale, l’autre est mort. Que puis-je dire ou faire ?
Cette question m’a été adressée sur Twitter. La personne qui m’a mentionnée dans le tweet savait que j’aurais peut-être un avis sur la question, parce qu’il y a 10 ans, cette amie c’était moi. J’ai été hospitalisée pour rupture des membranes à 22 SA 1/2, alors que j’attendais des triplés. Mon fils Aidan est mort à la naissance, et mes 2 fils survivants, Oliver et Victor, ont passé un séjour long et compliqué en Unité de Soins Intensifs Néonataux, parce que c’est à peu près le seul chemin possible pour des bébés nés à 26 SA.
J’ai commencé à écrire une réponse, mais je me suis arrêtée plusieurs fois. Je n’arrivais pas à exprimer ce que je voulais dire en 140 caractères (et ce que j’ai à dire s’applique vraiment à tous les parents qui ont un bébé en réa néonat, qu’ils aient perdu un bébé ou non.)
Ce qu’il NE FAUT PAS dire ou faire
- Ne dites pas que vous êtes désolé, ou que vous savez ce que les parents ressentent. Dire que vous êtes désolé ne sert strictement à rien, et vous ne pouvez pas savoir ce que ressent quelqu’un qui essaye de gérer le deuil d’un enfant tout en essayant de trouver en soi assez de ressources pour survivre au yoyo émotionnel dans l’antichambre de l’enfer que sont les Soins Intensifs Néonataux. Même si, comme moi, vous l’avez vécu, vous ne pouvez pas savoir comment le vit quelqu’un d’autre.
- Ne demandez pas de détails sur la naissance ou sur les circonstances qui ont conduit à cet accouchement. Elles sont suffisamment horribles à traverser pour le parent pour ne pas lui imposer de les revivre en les racontant à quelqu’un d’autre. Ça me rendait folle que les gens veuillent connaître les évènements uniques, mais néanmoins horribles, terribles, qui-changent-toute-ta-putain-de-vie, qui ont fait qu’à leur naissance, l’un de mes enfants est mort et les deux autres ont connu un début de vie terriblement injuste. Écouter, oui, demander, non.
- Ne demandez pas comment va le bébé survivant. Si le bébé se porte « bien », ils auront peut-être envie de vous le dire, mais ça vous déchire le cœur de raconter que votre bébé ne va pas bien (imaginez devoir le répéter encore et encore ). C’est même difficile de raconter une arrivée classique en réa néonat, qui signifie, pour un très grand prématuré, osciller d’une minute à l’autre entre la survie grâce à tous les progrès de la médecine moderne, et des alarmes qui font accourir tout le monde.
- Ne dites pas « Au moins il te reste l’autre », « Tu en auras d’autres », ou toute autre variante. On m’a dit cela. Vraiment. Avoir un enfant ne rend pas la mort d’un autre enfant plus facile, et dire cela revient à nier l’existence de l’enfant qui est mort. Mon fils a vécu 3 minutes et ces 3 minutes ont représenté toute une vie pour moi.
- Ne donnez pas de conseils médicaux, ne critiquez pas la prise en charge médicale. Peu importe ce que vous savez ou pensez savoir sur les prématurés, il y a peu de chances que vous en sachiez suffisamment pour donner un avis médical éclairé. Des commentaires tels que « Ce n’est pas dangereux tout cet oxygène ? », ou encore « Ça fait quand même beaucoup de radios pulmonaires. » font naître le doute, alimentent les inquiétudes, et peuvent mener au conflit. Souvenez-vous, en plus de tisser des liens avec son bébé, votre ami(e) doit tisser des liens avec l’équipe des Soins Intensifs.
- Ne dites pas « Il est si petit ». J’avais envie de frapper les gens qui disaient ça. « Ah bon ? J’avais pas remarqué ! Merci beaucoup d’insister là-dessus, d’ailleurs ça ne m’inquiète pas du tout. »
Ce qu’on peut dire ou faire
- « Ça doit être terriblement difficile pour toi. », ou quelque chose d’approchant. Rien de ce que vous pouvez dire ne changera les choses, alors n’essayez pas. Et c’est extrêmement difficile, il faut le souligner. Vous pouvez utiliser cette phrase dans à peu près n’importe quelle situation.
- Apprenez à écouter. Si votre ami(e) a envie de vous raconter les détails, qu’il/elle a besoin de parler, écoutez simplement, serrez-le/la dans vos bras si c’est approprié.
- Proposez de vous occuper de la logistique de la maison. Organisez une équipe de personnes qui aident. Les pelouses doivent être tondues, les chiens sortis, les chats nourris, le courrier ramassé, la lessive faite. C’est si compliqué de faire tout ça quand vous voulez passer chaque minute en réa néonat, encore plus quand vous pleurez votre enfant. Ce point est absolument essentiel quand il y a d’autres enfants à la maison. Invitez les autres enfants à jouer, à dormir, emmenez-les à l’école, etc.
- Offrez des repas. Si vos amis dorment chez eux, remplissez leur frigo, ou amenez-leur un repas préparé. S’ils restent à l’hôpital ou dans une maison de parents, offrez des cartes-cadeau pour les restaurants environnants.
- Proposez de jouer le rôle de porte-parole. La famille et les amis veulent des nouvelles, mais c’est difficile d’en donner, surtout si les nouvelles ne sont pas bonnes (voir ci-dessus). Vous pouvez par exemple dire « Les gens vont demander des nouvelles parce qu’ils se font du souci. Je peux t’aider à gérer ça. Tu peux me faire suivre les e-mails et je répondrai pour toi. » Vous pouvez aussi proposer de créer et/ou mettre à jour un blog ou une page Facebook (si la solution Facebook leur convient). Tout le monde n’a pas envie de partager par ce biais-là, mais certaines personnes oui.
- Envoyez un cadeau. Le fait qu’un enfant soit en réa néonat ne signifie pas que sa naissance ne doit pas être célébrée. Personne n’a envoyé de cadeau de naissance pendant qu’Oliver et Victor étaient hospitalisés, ils ont tous attendu la fête organisée la veille de leur sortie. Les gens attendent, pensant « Et si j’envoie quelque chose et que le bébé meurt ? Est-ce que ça ne va pas rendre les choses encore plus difficiles ? » Un cadeau non utilisé ne rend pas la mort de votre enfant plus difficile à affronter, croyez-moi. Envoyez une petite peluche ou des vêtements pour prématuré (là ce serait le bon moment pour demander combien pèse le bébé, pour que les vêtements soient à la bonne taille.) La chose qui m’est la plus précieuse est le nounours que l’infirmière a placé dans le berceau d’Aidan. Il ne se passe pas une semaine sans que j’aille le rechercher dans son tiroir pour le tenir un moment.
- Demandez à voir des photos. Vous feriez cela pour n’importe quel nouveau-né. Les parents de prématurés sont très isolés. Leur offrir quelques instants de normalité parentale n’a pas de prix. Les parents ne voient pas les tubes et les fils, ils voient leur précieux bébé, et vous devriez aussi.
- Donnez votre sang. C’est un don très personnel que vous pouvez faire même si vous habitez loin. Envoyez une petite carte en disant que vous avez donné votre sang en l’honneur du/des bébé(s). Mentionnez leurs prénoms si vous les connaissez. De nombreux prématurés ont besoin d’être transfusés et les parents savent que la survie de leur bébé dépend de la bonne volonté des donneurs de sang, c’est donc un geste merveilleux.
- Faites-vous vacciner contre la coqueluche. Les prématurés sont extrêmement vulnérables face à la coqueluche. Faites-vous vacciner que vous viviez près ou loin. Si vous habitez loin, vous pouvez envoyer une carte ou une peluche, et préciser que vous vous êtes fait vacciner contre la coqueluche pour aider à protéger tous les prématurés, et que vous encouragerez tous vos amis à faire de même.
Offrez un livre sur la prématurité. Je n’ai même pas pensé à en chercher un. ATTENTION BIAIS : j’ai écrit un livre, The Preemie Primer (NDT : malheureusement non disponible en français). Je pense que c’est un livre formidable, mais il y en a d’autres. Quand j’ai finalement eu le temps de lire les quelques livres disponibles traitant des prématurés, il était clair qu’ils ne me convenaient pas, alors j’ai écrit le livre que j’aurais aimé avoir le jour où j’ai été hospitalisée pour rupture des membranes.- SOYEZ PRÉSENT DANS LA DURÉE. Le séjour en réa néonat est long et beaucoup d’amis se volatilisent après le premier caddie de courses.
Que pouvez-vous dire ou faire ?
Beaucoup de choses….
Merci au Dr Jennifer Gunter de m’avoir permis de traduire et de publier son article sur ce blog http://mggenerationdeuxpointzero.blogspot.fr/.
J’espère que cet article pourra aider au moins une personne.
Merci aux docteurs KALEE et PARAGLIDING de nous avoir autorisé de publier intégralement cet article, bien dans le but « d’aider à aider ».