Congé de deuil parental : Naître et Vivre a été sollicité

A la suite des couacs parlementaires et politiques des jours précédents, et de leurs forts échos médiatiques, une réunion s’est tenue au ministère de la Santé. Le but affiché était une concertation avec les acteurs associatifs (avant les organisations syndicales et patronales), afin de déterminer les mesures pertinentes de soutien aux parents en cas de perte d’un enfant.

Vous trouverez ci-dessous le compte-rendu de cette réunion à laquelle ont participé Jacques Honoré et le Dr Elisabeth Briand-Huchet, président et vice-présidente de Naître et Vivre, et l’interview de Jacques Honoré sur France-Info au lendemain de cette réunion le mercredi 5 février.

Réunion ministères-associations pour le projet de loi « deuil parental »

le mardi 04 février 2020

Etaient présents :

  • les deux ministres les plus impliqués, Muriel Pénicaud (ministre du Travail) et  Adrien Taquet (secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé), et les membres de son cabinet ;
  • 13 Associations actives sur l’accompagnement de ces deuils particuliers : Naître et Vivre, Jonathan Pierres vivantes, SPAMA , Empreintes, Apprivoiser l’absence, SOS Préma, France Victimes,  Fédération « grandir sans cancer » (regroupant 90 associations, dont «  Aidons Marina »,  « Eva pour la vie », « Tous derrière Léa », « Sourire de Lucie »), FEVSD ;
  • 6 députés dont Mr Guy Bricout, rapporteur du projet de loi initial ;
  • Ainsi que la présidente de l’UNAF.

Cette concertation fait donc suite aux incidents parlementaire, ministériel, syndical et présidentiel… provoqués par le rejet en première lecture à l’Assemblée nationale le 30 janvier, de la mesure d’allongement du  congé légal de 5 à 12 jours pour les parents confrontés à la perte d’un enfant mineur, contenue dans le projet de loi du député du Nord Guy Bricout. Devant le tollé suscité par les arguments politiques évoqués, le gouvernement veut engager « une réflexion pour améliorer les dispositifs d’accompagnement de ces deuils difficiles », avant son examen au Sénat prévu le 3 mars.

 Les acteurs associatifs s’accordent sur de nombreux points :

  • le fait de parler de ce sujet est rare (merci aux couacs !!). Trop d’ignorance sur le sujet : « c’est un deuil pour toute la vie, on ne le sait pas assez… » ;
  • le fait de considérer le deuil d’un enfant comme un cas particulier de deuil, imposant des mesures spécifiques relevant de la solidarité nationale ;
  • la nécessité d’un cadre légal d’un temps rallongé à 12 jours ;
  • de rendre possible le don de RTT et/ou de congés dans cette circonstance, mais sans que cela ne remplace une loi, puisque cette mesure est par nature très inégalitaire et volontaire ;
  • maintien du salaire à 100% pendant ces journées spécifiques, et sans délai de carence ;
  • budgétairement : notion d’un « capital décès «  pour l’enfant, et /ou d’une aide financière pour les obsèques sous conditions de ressources ;
  • le maillage de chaque association est insuffisant sur le territoire national : intérêt d’une plate-forme nationale ? d’une ligne verte ? pour informer de l’existence des associations et orienter ;
  • simplification des démarches administratives, en créant un « parcours décès » dans les CAF.

Nouvelles suggestions : maintien des droits lorsque le décès survient au terme d’un temps de maladie, harmonisation interdépartementale des mesures dépendant des CAF, mesures de « protection » dans l’entreprise pour le retour au travail, proposition systématique d’un suivi psychologique et de sa prise en charge financière, possibilité d’un fractionnement des jours d’arrêt de travail, et celle d’une reprise plus progressive du travail, sur le modèle d’un « mi-temps thérapeutique »…

Enfin, il est demandé une aide publique aux associations pour qu’elles puissent maintenir et/ou améliorer un accompagnement de qualité : financement de formations, de supervisions, etc.

Des discussions ont aussi porté notamment sur la limite d’âge à considérer (enfant mineurs, moins de 25 ans…), sur l’appellation souhaitable de ces jours de « répit » …

Conclusion des ministres : « Vous avez l’engagement de la majorité et de l’assemblée nationale que des mesures seront prises. Il n’y a pas de député qui ne pense pas que ce projet de loi est majeur. »

A suivre donc… attentivement !

 

Interview de Jacques Honoré sur France-Info

au lendemain de cette réunion le mercredi 5 février

 

Ecouter l’enregistrement de l’interview

Texte ci-dessous :

  • La journaliste

Bonjour, Jacques Honoré ! Vous êtes président de Naître et Vivre, association de lutte contre la mort inattendue du nourrisson et d’accompagnement de parents endeuillés. Vous avez été reçu hier soir par la ministre du Travail et le secrétaire d’Etat à la Protection de l’enfance avec d’autres associations, une semaine après le rejet à l’Assemblée d’un texte visant à allonger le congé pour le deuil d’un enfant et la polémique qui a suivi. Vous nous résumer cela, Xavier Monferran ?

  • Xavier Monferran

Jeudi dernier, les députés LREM rejettent la proposition UDI visant à porter le congé pour le décès d’un enfant de 5 à 12 jours. A la place, ils autorisent le don de RTT pour un collègue endeuillé. Le vote provoque un tollé dans les rangs de l’opposition, notamment. Le Medef lui, demande un nouveau vote et Emmanuel Macron intervient samedi. Il demande de faire preuve d’humanité. C’est une série d’excuses et le gouvernement promet d’enrichir la proposition de loi lors de son arrivée au Sénat le 3 mars prochain.

  • La journaliste

Jacques Honoré, comment s’est passée cette réunion hier soir ? Est-ce que vous avez reçu des excuses ?

  • Jacques Honoré

Des excuses ? Pas vraiment. Mais un discours constructif, certainement. A cette réunion, nous avions donc Muriel Pénicaud, ministre du Travail, et Adrien Taquet, secrétaire d’Etat. Il y avait également six députés et une douzaine d’associations représentées. Deux heures de discussion avec un temps de parole essentiellement consacré à l’expression des associations.

  • La journaliste

Et qu’avez-vous vu proposer ?

  • Jacques Honoré

On a vraiment eu l’impression d’être écouté. En ce qui nous concerne à Naître et Vivre, eh bien, il nous semble très important que ce congé soit effectivement allongé. Il nous semble également très important que le don de RTT, s’il est possible, s’il est rendu possible, ne remplace pas cet allongement comme cela avait été dit à un moment. Ce don de RTT, s’il est intéressant il n’est pas possible partout donc il placerait les familles dans une situation d’inégalité qui nous paraît tout à fait intolérable. Donc si c’est une mesure en plus, c’est bien. Mais la vraie mesure, c’est l’allongement à douze jours du congé parental.

  • La journaliste

En quoi elle peut vous aider, cette mesure ?

  • Jacques Honoré

Alors pour nous, c’est très important. Si Naître et Vivre existe, c’est parce qu’il existe encore 450 morts inattendues du nourrisson par an dont la moitié sont évitables. Naître et Vivre travaille à prévenir ces décès avec les meilleurs professionnels. On pourra retrouver sur notre site les meilleurs conseils pour avancer dans ce domaine-là. Et Naître et Vivre est aussi présente lorsque, malheureusement, les décès surviennent, pour accompagner les familles endeuillées. Alors, dans le cas de ces décès subits, rien ne peut être anticipé. La préparation des obsèques, les déclarations, les démarches pour ces parents qui sont tout à fait abattus et sidérés par le deuil, eh bien, ça prend plus que cinq jours. D’autant plus que dans le cadre de ces morts inattendues du nourrisson, il existe depuis quelques années un observatoire et des examens sont faits systématiquement par des spécialistes des centres hospitalo-universitaires. Ces examens prennent du temps et les résultats ne sont donnés qu’avec plusieurs jours, voire plusieurs semaines de retard. Donc, il est très important que les parents disposent d’un peu plus de temps.  Et nous avons demandé également, demande qui a été bien reçue, que ce temps puisse être fractionné de manière à ce que les parents disposent de journées ou de demi-journées pour se rendre auprès des spécialistes lorsque les résultats sont disponibles, de manière à ce qu’ils puissent apprendre de la bouche de ces spécialistes, tout ce qui peut être su- c’est important pour les parents – autour du décès de leur enfant.

  • La journaliste

Le dossier « améliorer l’accompagnement psychologique », ça manque aujourd’hui ? C’est nécessaire, cette mesure-là ?

  • Jacques Honoré

Toutes les associations se sont retrouvées sur l’idée qu’il y a urgence à reconnaître le deuil et à redonner aux personnes endeuillées une place dans la société. C’est vraiment quelque chose qui est tout à fait présent dans l’idée de toutes les associations. Dans l’état des lieux qui a été dressé, de l’accompagnement du deuil d’enfant en France, eh bien, ce qui ressort, c’est que ce sont les associations et quasiment uniquement elles, qui portent ce secteur. Il n’existe pratiquement rien en dehors. C’est un service qui est vraiment rendu à la population, qui est très important, bien sûr, et je pense que tout le monde en a pris conscience, y compris les politiques. Ce qu’on constate aussi, c’est qu’une aide est apportée, en particulier par les CAF, Caisse d’allocations familiales. Mais cette aide, elle est très variable, très disparate suivant les régions. Et donc il y a eu la volonté exprimée, qui a été bien reçue apparemment par les politiques – mais nous verrons ce qu’il en sera des décisions un peu plus tard- d’harmoniser les pratiques de ce point de vue-là et d’aider les associations à rendre ce service, service qui est unique auprès des familles.

  • La journaliste

Le rejet de cette proposition de loi à l’Assemblée, c’était jeudi dernier. Est- ce que vous avez le sentiment que cette réunion, elle est arrivée trop tard ?

  • Jacques Honoré

La réunion à laquelle on a participé ? Pour nous non, on n’a pas le sentiment que cette réunion est arrivée trop tard. Si vous voulez pour résumer les choses de façon un peu positive, on a l’impression que finalement, ce « couac » entre guillemets – l’expression a été redite plusieurs fois lors de cette réunion – ça donne à tout le monde une opportunité d’avancer, de faire finalement un saut dans l’humanitaire, dans la prise en charge de ces deuils. Pour nous, ça a créé les conditions favorables à une réelle avancée.

  •  La journaliste

Donc, vous avez le sentiment d’avoir été entendu, écouté, alors que ce gouvernement propose un plan d’action plus large pour l’accompagnement après le deuil d’un enfant. Merci beaucoup, Jacques Honoré. Vous êtes président de l’association Naître et Vivre. Merci d’avoir répondu à notre invitation sur France Info.