En mémoire de sa petite Billie, décédée le 25 août dernier à 23 mois, Amandine est partie le 7 avril de Paris pour relier Perros-Guirec qu’elle a atteint le 20 avril, dimanche de Pâques, parcourant une partie du chemin à pied. Une marche éprouvante, émouvante, ressourçante, riches d’échanges, de pleurs mais aussi de rires.

Sur les 1 100 kilomètres entre Paris et Perros-Guirec Amandine en a réalisé 397 à pied, d’abord sur le GR 22 jusqu’au Mont Saint-Michel puis sur le GR 34 jusqu’au phare de Perros-Guirec où le 25 décembre dernier Amandine et son épouse Céline avaient dispersé les cendres de Billie.
La jeune maman a démarré au kilomètre zéro sur le parvis de Notre-Dame de Paris où elle a, en mémoire de Billie, allumé un cierge – bien que n’étant pas croyante – comme elle l’a fait dans chaque église qu’elle a croisée sur son chemin, quelquefois trois dans la journée.
Et puis a commencé la marche. Dès le deuxième jour, fatiguée, Amandine s’est rendue compte qu’elle allait trop vite, qu’elle était trop focalisée sur le chemin sans regarder autour d’elle. Elle a alors ralenti le pas et là, elle a commencé à rencontrer des gens, le sac à dos étant souvent « la porte d’entrée » à la conversation. « Se sont alors succédé des rencontres bouleversantes et enrichissantes qui ont indéniablement changé le cours du parcours », raconte Amandine.
Elle gardera toute sa vie en mémoire ces moments avec Gérard, président de l’aéroclub local, qui lui a fait profiter d’un vol pendant lequel elle a agité la petite casquette de Billie au-dessus du Mont Saint-Michel. Casquette qu’Amandine n’a jamais lâchée, tout au long du chemin, tout comme elle portait, enfoui sous son polo, le t-shirt au sigle des jeux olympiques que Billie portait cet été lors des JO Paris 2024 quand elle faisait du basket place de la Concorde.

Renouer le contact
L’histoire de sa petite Billie confiée à des promeneurs sur le chemin – personnes attentives et attentionnées – a généré à chaque fois beaucoup d’émotion. « C’est en les entendant me dire qu’ils étaient impressionnés par mon courage que j’ai pris conscience de la portée de ce que j’avais entrepris. » A la faveur de ces rencontres, Amandine a eu le sentiment de retrouver le contact avec l’autre, ce qui a toujours été sa nature profonde. Mais par-dessus tout, la maman endeuillée s’est sentie reconnectée à sa petite fille, ce qu’elle était venue chercher en partant seule marcher jusqu’à l’autre bout du pays.
A 31 ans, Amandine a pu ainsi transcender certaines de ses peurs notamment de la solitude et du silence. « Au troisième jour de marche j’étais perdue, seule au monde, et en fait l’image de Billie apparue dans un rêve, m’a apaisée. J’ai revu très précisément une de ses petites expressions, son petit air de chipie, et cela m’a rassurée de me dire que je pouvais m’en souvenir, que c’était revenu, et qu’ainsi elle pouvait continuer à vivre en moi », lâche la jeune maman. Aussi déchirante qu’ait pu être cette image pour elle, cela lui a montré que Billie avait pris une autre place maintenant. « On n’oublie jamais rien. On vit avec. J’ai trouvé une façon de faire vivre Billie dans ma vie. Elle est là tout près, mais si loin ».
La jeune maman s’est sentie accompagnée par elle tout au long de ce chemin par de petits signes du destin quand elle s’y attendait le moins. Le tout dernier après le phare de Perros-Guirec, où Céline son épouse l’avait rejointe. Les deux mamans ont fait le tour de l’île de Bréhat à pied. Et là elles ont croisé trois petites filles qui vendaient des coquillages peints, avec, en guise de tirelire, une boîte à thé sur laquelle la plus petite des fillettes avait écrit son propre prénom : Billie. « Je n’avais jamais entendu ce prénom ailleurs que pour ma propre fille… Billie ramenait toujours des coquillages de partout », se rappelle Amandine.

Des pleurs et des rires
Sur ce chemin la maman endeuillée a laissé libre cours à ses larmes, qu’elle n’osait pas lâcher en public jusque-là. Mais elle a aussi beaucoup ri. Ri avec les gens qu’elle a rencontrés, ri d’elle-même, quand elle s’est perdue sur ce sentier pas toujours bien balisé. « J’ai retrouvé ces sensations que je m’étais interdites jusque-là, j’ai vu que la vie pouvait revenir, même s’il y a eu et qu’il y aura encore des moments de profonde tristesse. »
« Je crois que je passerai ma vie à marcher, à marcher dans le désert », estime Amandine en faisant allusion à cette phrase d’Orelsan dans la chanson Jour Meilleur du rappeur : quand t’as l’désert à traverser, il y a rien à faire sauf d’avancer. « Avec Céline nous avons le sentiment d’être dans le désert : il n’y a pas de mode d’emploi du deuil, pas de direction indiquée, chacun prend son propre chemin, par moment on est seul, par moment on est à deux ou plus. En tout cas on est sur la route ». Et elle n’oubliera pas tous ces petits phares, ces guides sur ce chemin breton, qui, la nuit tombée, étaient des lumières brillant dans la nuit, des guides encore aujourd’hui.
Amandine avait choisi de faire cette marche pour le compte de Naitre et Vivre, l’association qui les a accompagnées, elle et Céline après le décès de Billie et auprès de qui elles ont trouvé du réconfort. Qu’elles soient remerciées pour leur générosité.
Billie, qui a fait un arrêt cardiaque dans son sommeil, sans aucune alerte préalable, est selon les résultats de l’autopsie, décédée d’une infection foudroyante due à un streptocoque.
Reconnue d’utilité publique Naître et Vivre a trois missions : accompagnement des parents endeuillés, prévention de la mort inattendue du nourrisson et recherche médicale.
Voir l’article précédent sur le départ d’Amandine.