Brigitte Lelu-Muguet a participé à la réunion à thème de Naître et Vivre du jeudi 2 février 2023 ayant pour sujet « Le tatouage, une ressource possible sur le chemin du deuil ? ».
Pour répondre à cette question, elle était accompagnée de Déborah Fauchon, psychologue, consultante en périnatalité.
Vous trouverez ci-dessous une interview de Brigitte Lelu-Muguet par Vanessa.
Travailleuse sociale pendant 30 ans, Brigitte Lelu-Muguet est depuis mars 2022 artiste tatoueuse. Dans le salon «Chemins d’Æncrage » qu’elle a ouvert à Arradon, près de Vannes (Morbihan), elle accueille celles et ceux qui portent des cicatrices tant visibles qu’invisibles et les accompagne par un dessin. Parmi eux, des parents qui ont perdu un enfant.
L’un des tatouages de Brigitte Lelu-Muguet : le Petit Prince posé sur le cœur d’une Maman qui a perdu son fils. Copyright : Chemins d’Æncrage
Qu’est-ce qui fait qu’à un moment, alors que vous étiez assistante sociale, vous décidez de devenir artiste tatoueuse ?
C’est une continuité par rapport à ce que je faisais auparavant. Je travaillais en centre d’hébergement, au plus près des personnes empêchées dans leur vie. Pour les accompagner, j’avais développé des activités de médiation avec plusieurs supports (médiation équine, sportive, artistique). Dans ce que je fais aujourd’hui, il y a aussi une part importante d’accompagnement et il y a un support : le tatouage. Le but est le même : il s’agit de trouver ce qui qui va pouvoir venir aider une personne à un moment donné dans sa vie, sachant qu’on est tous unique.
Selon vous, l’encre ancre. Que voulez-vous dire par là ?
Je l’ai expérimenté à titre personnel quand j’avais 23 ans, à une époque où le tatouage était mal considéré. C’était pour moi une volonté de libérer de la bande passante, c’est-à-dire que lorsque l’on est dans une situation de perte, on est dans la crainte d’oublier. Le tatouage possède cette fonction de vecteur symbolique. Mon salon s’appelle «Chemins d’Æncrage » pour exprimer cette symbolique de l’encrage dans la peau qui vient permettre aux gens de s’ancrer un peu plus dans leur vie.
Je ne prétends pas que le tatouage est miraculeux. Le deuil est un processus permanent qui nous tiendra toute la vie. Je dis juste que le tatouage peut permettre à certaines personnes d’avancer. Il peut être un levier, un réconfort et permettre de poursuivre son processus, un petit peu différemment.
Avez-vous accompagné des parents qui ont perdu un enfant ?
Oui, plusieurs. J’ai notamment reçu une maman qui a perdu sa petite fille après la naissance. Cela faisait 20 ans qu’elle avait une envie de tatouage mais elle ne savait pas où aller car son histoire était tellement singulière et si douloureuse qu’elle ne voulait pas la confier à n’importe qui et n’importe comment. Pour ma part, j’ai imaginé un processus d’accompagnement et cela se passe dans le temps.
Un papillon sur le bras d’une maman endeuillée : symbole de la vie délicate et fragile. Copyright : Chemins d’Æncrage
Comment, justement, se construit un dessin ?
Je ne tatoue pas dans l’urgence. Certaines personnes pensent que le tatouage va les sauver alors qu’il y a d’autres accompagnements à mener avant. Je propose un premier rendez-vous d’une heure et demi au cours duquel on vient ensemble valider que le tatouage est la bonne solution à cet instant, qu’il n’intervient pas trop tôt. Ensuite, entre le moment où je reçois une personne et celui où le dessin est finalisé, il peut se passer plusieurs semaines, plusieurs mois. On se parle, on échange et chaque fois, je viens réinterroger pour aller vers le dessin qui est juste et qui va faire chemin avec elle.