Quand le chemin du deuil est semé d’embûches – témoignage

16 Oct 2024 | Actualités Naître et Vivre, Témoignages

Le 24 août dernier, 26 ans après le décès de leur petite Chloé mort-née, Annie et Philippe Martineau ont pu déclarer la naissance et le décès de leur petite fille à la mairie de Nantes. En sortant de l’édifice, Philippe s’est rendu compte que ce jour était celui de l’anniversaire de Chloé. Un signe pour le couple qui a vécu un moment encore plus fort en récupérant il y a quelques jours le livret de famille où Chloé est désormais inscrite. Aux côtés de ses deux sœurs, Émilie née en 1987 et Pauline en 1998.
Pour le couple habitant Châteaubriant, la boucle est enfin bouclée. Le deuil peut enfin se faire. Cette histoire est le récit d’un long parcours jalonné de plusieurs étapes.

Neuf ans après la naissance de leur aînée, Annie est à nouveau enceinte, mais apprend que la petite fille qu’elle attend est atteinte d’une trisomie 18 et qu’elle n’est pas viable. Chloé naîtra mort-née après 24 semaines et 4 jours de grossesse. Des chiffres inscrits de manière indélébile dans la mémoire de ses parents. Ceux-ci ont pu prendre leur bébé dans les bras. Mais après l’autopsie qu’ils avaient acceptée ils n’ont jamais récupéré Chloé, ni son avis de décès. « Tout a été précipité », se rappelle Annie tristement. Il n’y a pas eu de cérémonie, la petite fille n’a pas été inhumée.
Le temps a ensuite passé. « Tout cela était enfoui, nous n’en parlions pas », se remémore la maman.

Désarroi

« Mais il y a une quinzaine d’années, je me suis rendue compte que je n’allais pas bien, j’étais dans une sorte de désarroi, que je ne m’expliquais pas », se souvient Annie. En racontant son histoire à la psychologue qu’elle consulte, tout resurgit et elle comprend qu’elle n’a pu faire son deuil, que des étapes ont été shuntées, qu’elle tente, depuis, de rattraper.

Ce chemin commence par une prise de contact avec le centre hospitalier de Nantes où Annie avait accouché. Le couple récupère l’acte de décès de Chloé trois semaines plus tard. Une première étape est franchie.
La suivante passe par le Cimetière Parc de Nantes qui abrite un jardin du souvenir pour tout-petits. Annie et Philippe s’y rendent espérant trouver une trace de Chloé. «Mais elle n’était pas sur le registre», lâche la maman.

Une omission de la faculté de médecine qui procède à ces crémations de ces bébés mort-nés, leur explique le gardien du cimetière.

Arbre métallique dans le jardin du souvenir du cimetière parc de Nantes. Les feuilles de lierre permettent aux familles d’y accrocher de petits objets.

Un lieu où se recueillir

La famille Martineau y acquiert alors une concession et avec l’avis de décès enfin établi, ils ont pu y mettre une petite plaque avec le prénom de Chloé et sa date de naissance. « Cela signifiait déjà qu’elle était reconnue. Et nous avions enfin un lieu où nous recueillir », ajoute la maman. Mais pour le couple, il manquait toujours quelque chose : la petite fille ne figurait pas non plus sur le livret de famille.

Lors de leurs vacances l’été dernier, ils apprennent par un voisin de camping, un employé de mairie, qu’on peut désormais faire figurer les enfants décédés dans le livret de famille. La loi le prévoit en effet depuis 2021. « Pour nous, faire cette déclaration était déjà très émouvant : cela prouvait que Chloé avait existé ». D’ailleurs ce 24 août quand ils se rendent à la mairie de Nantes, un autre couple venait, lui aussi, déclarer un bébé mort-né il y a vingt ans, un petit garçon.

Son nom écrit noir sur blanc dans le livret de famille

Trois semaines après Annie et Philippe Martineau ont pu récupérer le livret de famille dans lequel se trouvait enfin leurs trois filles : Emilie, Chloé et Pauline. Avoir pu faire la démarche jusqu’au bout et qu’elle ait abouti leur donne l’impression que leur deuil « se trouve accompli », selon leurs propres termes. Chloé existe désormais aussi bien aux yeux de sa famille que de l’administration.
« Elle faisait bien sûr partie de notre famille, nous en parlions sans tabou, mais voir son nom écrit noir sur blanc dans le livret actait vraiment quelque chose ». Cela a été pour ce couple l’ultime étape, celle d’un chemin qui leur a semblé vital pour eux-mêmes et les deux sœurs de Chloé.