« Toute vie humaine, si courte soit-elle, qu’elle soit ou non venue au monde, laisse de multiples empreintes gravées dans les cœurs et les mémoires. Un petit en devenir engendre de l’amour dans les cœurs des parents, transforme le corps de sa maman, change les projets et les comportements de la famille. Tout cela est humainement précieux et doit être considéré par la société. »
C’est par ces mots exprimant une conviction partagée par Zétwal an syèl et les associations du Collectif deuilS que le délégué de Naître et Vivre a débuté son intervention aux deuxième Assises Martiniquaises du Deuil Périnatal. L’évènement, organisé en écho à la Journée Mondiale du Deuil Périnatal, s’est déroulé près de Fort-de-France le 26 octobre dernier.
Répondant à l’invitation de Mathilde Edmond-Mariette Minoton, présidente de Zétwal an syèl, Fanny Larue, animatrice du Collectif deuilS et Jacques Honoré, administrateur de Naître et Vivre, ont fait le voyage depuis l’hexagone pour contribuer à cette opération de sensibilisation, riche d’informations et d’échanges empreints d’humanité. Tous les participants ont dit le bouleversement et la détresse que provoque, dans une famille qui attend la vie, la disparition soudaine du tout-petit en devenir.
Lors de ces Assises, une table ronde était dédiée à la Reconnaissance administrative et institutionnelle du deuil périnatal. Les évolutions législatives récentes concernant notamment la possibilité de donner un nom de famille à l’enfant né sans vie (2021) et l’allongement du congé pour décès d’enfant (2023) ont été exposées. Le rôle des associations pour provoquer ces évolutions, enrichir les propositions de loi et faire connaître aux familles leurs nouveaux droits a été souligné.
Une seconde table ronde était consacrée au Vécu des pères endeuillés. Antoine et Julien ont apporté des témoignages émouvants que Malik Duranty, sociologue et poète, a commenté en replaçant le vécu de ces papas dans le contexte socio-familial martiniquais. Ce contexte particulier met encore trop de distance entre le père et l’enfant durant la grossesse et au-delà. Il tient les hommes à l’écart des cercles où s’expriment les peines et, plus largement, les émotions.
Les Assises se sont terminées par la projection du film documentaire « Zayann », d’Alexandra et Agnès Frémont. Alexandra a demandé à sa sœur Agnès de la filmer dans un processus de deuil et de reconstruction après la mort d’un être né trop tôt pour survivre. Ce film aborde le deuil périnatal et les rituels nécessaires au cheminement vers une autre grossesse, une autre vie possible.
En marge des Assises, une rencontre était prévue avec les travailleurs sociaux de la Caisse d’Allocation Familiale (CAF) de Martinique. Les services proposés par la CAF en cas décès ont d’abord été rappelés, ainsi que ceux rendus par les associations (écoute téléphonique, groupes de parole, réunions à thème, etc.). Un échange avec une vingtaine d’assistantes sociales et de conseillères en économie sociale et familiale a suivi. L’implication de ces personnels en contact direct avec les familles était forte, et leurs propos ont montré l’importance d’une formation à l’abord des personnes endeuillées et l’utilité de temps de partage d’expériences entre professionnels. A la question récurrente chez les moins aguerries, « Quel est le meilleur moment pour un premier contact ? », les mieux formées ont pu répondre qu’il n’en existe pas, le rythme du deuil étant propre à chacun. Devant leur inquiétude sincère de ne pas trouver les bons mots, les associations ont rappelé qu’un peu de formation pour éviter les maladresses et beaucoup de bienveillance constituent de réels atouts.
Une autre rencontre était prévue, avec les futures sages-femmes cette fois, à l’occasion d’une formation assurée par Zétwal an Syèl. L’émotion était palpable dans le discours de ces jeunes femmes décrivant leurs premiers contacts avec des mamans endeuillées. Toutes montraient un profond désir de ‘bien faire’ dans ces circonstances difficiles.
Zétwal an Syèl est une jeune association très dynamique qui rend de nombreux services, parfois très originaux comme on peut le découvrir en parcourant son site. L’équipe qui l’anime est particulièrement motivée et chaleureuse ; l’entraide et le partage y sont des maîtres-mots. En témoigne cette citation de E.sy Kennenga inscrite sur les documents qu’elle édite :
« An bouji limen pa ka pèd limié si i ka sévi limen an lot »
(Une bougie allumée ne peut pas perdre sa lumière si elle peut être utilisée pour en allumer une autre.)