Les enseignements du congrès de l’ISPID à Florence – 2023

 Le deuil parental

Quelques chiffres tirés des différentes présentations orales R. Goldstein, J. Garstang)

  • 57,1% des parents présentent un PGD (Prolonged Grief Disorder = deuil pathologique) un an après le décès de leur enfant.
  • 41% après 3 ans. La perte d’un enfant est considérée comme le deuil le plus difficile à vivre.
  • 10% des parents présentent des troubles sévères (plus de joie, pas de possibilités de créer de nouvelles relations).
  • 39% des parents souffrent de PTSD (Post-Traumatic Stress Disorder).
  • 23% pensent que leur enfant est mort parce qu’ils sont de mauvais parents.

Ces « symptômes » sont communs à tous les parents endeuillés quelle que soit leur classe sociale.

Les symptômes sont d’autant plus prégnants qu’ils touchent une personne très jeune, ayant un antécédent dépressif, consommant de l’alcool, et s’il y a d’autres enfants. En revanche, le deuil est amoindri s’il y a eu précédemment un autre décès d’enfant car les parents s’attachent moins à l’enfant suivant.

Et la culpabilité ?

La culpabilité est normale puisque les parents sont responsables de leur enfant. L’auto-culpabilisation semble même nécessaire car elle permet de reprendre dans une certaine mesure le contrôle. Il faut d’ailleurs mieux comprendre ce mécanisme psychologique et l’accepter pour éviter de mauvais jugements.

A été mise en lumière notamment la condamnation de Kathleen Folbigg à cause du décès de ses quatre enfants à la suite de ses écrits dans son journal intime où elle écrivait se sentir coupable de ces décès…Cette mauvaise interprétation de ses sentiments de culpabilité l’ont faite condamner à 30 ans de prison…dont elle a été libérée cette année puisque des analyses génétiques ont montré que ses enfants sont décédés de mort naturelle en raison d’une mutation du gène de la calmoduline et d’une encéphalopathie détectée chez son dernier bébé décédé.

L’accueil et l’aide aux parents endeuillés

Félicitation à l’Ecosse pour sa mise en place d’un programme d’accueil et d’accompagnement des parents endeuillés. Devant la nécessité d’accompagner les parents, des salles dédiées ont été créées dans les hôpitaux, « chaleureuses », qui permettent d’annoncer le décès dans un environnement « réconfortant ». Les aides d’accompagnement sont immédiatement mises à disposition, et ne sont pas limitées aux parents mais proposées aussi à l’ensemble des personnes qui s’occupait du bébé. Ainsi 200 personnes sont accompagnées par an pour 80 décès.

En revanche, l’idée d’avoir plusieurs corps administratifs s’occupant du décès d’un enfant est délétère (voir le talk d’Emily Cooper), ou l’idée de reconstitution avec une poupée est mal vécue par les parents (Norvège).

Quoi de neuf en ce qui concerne prévention ?

Quelques données chronologiques :

  • 1969 : définition de la MSN : la mort subite d’un nourrisson ou d’un jeune enfant, inattendue au regard des antécédents et pour laquelle les investigations ne permettent pas d’expliquer le décès.
  • Résultats épidémiologiques : les bébés qui dorment sur le ventre ou sur le côté sont exposées à des risques.
  • Autres facteurs de risque modifiables : tabagisme, partage du lit, absence d’allaitement.
  • 1990 : développement des campagnes « je dors sur le dos ».

Et maintenant ?  De nombreux programmes de prévention sont mis en place mais les facteurs de risque persistent. Pourquoi ? Devons-nous mieux cibler ? Comment développer un calculateur de « couchage sécurisé » ?

Quelques chiffres du registre d’Atlanta (réalisé à partir de données de 7 Etats des USA). Pour 1 bébé décédé, 4 « bébés contrôles » ont été analysés. Il y a :

  • 19 fois plus de risque de MIN si l’enfant ne dort pas dans la chambre de la personne qui s’occupe de lui.
  • 3 fois plus de suffocation si la surface de couchage est partagée.
  • 19 fois plus de suffocation si la literie est molle.
  • 2 fois plus de risque de suffocation si l’enfant n’est pas couché sur le dos.

Quelques exemples d’analyse des pratiques parentales (et de soignants) et de programmes pour y remédier :

  • The SAFE PREP study : étude auprès de parents de bébés prématurés qui ont été hospitalisés dans une unité de réa-néonat et où ils ont vu leur bébé couché dans un environnement qui n’est pas recommandé à la maison (sur le côté, environnement « mou » etc.). Malgré des recommandations répétées pour un couchage sur le dos, seul, sans tabac, les interviews de plusieurs centaines de mères montrent que 20% d ‘entre elles  maintiennent que coucher un bébé sur le dos est inconfortable !!!
  • Pêpi-Pod Program en Australie : les statistiques montrent une quantité de MIN plus élevée dans la population « natives » que dans la population « blanche ». D’où un travail ciblé et en collaboration avec cette partie de la population pour sécuriser le couchage avec le don d’une « boite en plastique » de couchage (qui en plus contient une couverture !) à mettre dans le lit parental. Il semblerait que cette approche permette une diminution des MIN, mais les données sont peu convaincantes.
  • Dans la région de Baltimore, un service de dons de berceaux livrés via Amazon s’est développé, ce qui en facilite l’appropriation avec une tendance associée à moins de MIN. Développement d’un slogan frappant : « ABC » pour Alone (seul), Back (sur le dos), Crib (berceau).
  • En Israël, mise en place du programme et de la certification Crib4Kids afin d’éduquer d’abord les soignants qui transmettront ensuite aux parents les bonnes pratiques de couchage. Une chose essentielle à retenir : les informations les mieux retenues passent par le visuel.

Mais plusieurs programmes n’ont pas fonctionné :

  • Promotion de l’arrêt du tabac : malgré une campagne ciblant les personnes (13 000) à risque, 4 400 sont arrivées sur la page d’accueil du site (Quitline), 369 sont rentrées dans le site et seules 10 ont participé au programme d’arrêt du tabac. Finalement 4 ont été jusqu’à l’interview finale et seulement 2 ont arrêté de fumer. Parmi ces 2, seule 1 personne respecte le couchage sécurisé…Beaucoup de travail pour si peu de résultat !
  • Les soignants se heurtent aux mêmes réponses de parents depuis des années :
    • Cela est tellement rare, que ça ne m’arrivera pas à moi.
    • Chaque année, les recommandations changent.
    • Mon bébé est en plein forme, cela ne lui arrivera pas.

Seule conclusion de l’étude : expliquer, expliquer, expliquer encore et toujours !

Pourquoi n’arrive-t-on pas à plus/mieux mobiliser contre la MIN ?

Excellente présentation de Kyran Quinlan (Chicago) !

Parce que nous ne prêtons pas assez attention aux données réelles qui existent !!!

Les MIN dépassent de très loin le nombre de bébés morts par incendie (x 4,5) ou par accident de voiture (x 3) et pourtant il n’y a pas de news à la télévision pour en parler ! Cela explique le manque d’entrain pour faire de la prévention. D’autre part, seuls 40% des cas de MIN sont enregistrés contre 100% des accidents de voitures !

Alors que nous nous inquiétons du devenir de nos enfant quand ils prennent la voiture, nous ne nous inquiétons pas du sommeil de nos bébés bien que le risque d’accident soit bien plus grand ! Il y a donc un problème de perception du danger. Nous devons donc changer cette perception.

Il devrait y avoir des visites de routine à domicile pendant la première année pour rappeler les consignes de couchages.

20% des parents indiquent ne pas avoir eu de conseils quant à la position de couchage.

50% disent ne pas avoir eu de conseils pour savoir où coucher l’enfant.

Enfin idéalement tous ces conseils devraient être implémentés AVANT la naissance de l’enfant.

Et la recherche ?

Beaucoup de recherches à « large échelle » se mettent en place : séquençage du génome codant, non codant, méthylome, utilisation de kit ciblé, analyse de l’ensemble des métabolites pour les comparer avec ceux de bébés bien portants, etc. Beaucoup de mutations ont été trouvées, mais il reste à déterminer si ces mutations causent la MIN, sont un facteur de risque, ou inversement ne sont que des mutations fortuites qui n’y sont pour rien. Il reste qu’il faut faire très attention à toujours bien contextualiser ces recherches : trouver une mutation chez un enfant décédé alors qu’il a été retrouvé enfoui dans une literie non adaptée n’est peut-être pas la chose la plus pertinente. Le développement de modèles animaux qui contiennent ces mutations permettra d’identifier si elles peuvent participer aux MIN.

Les treize participants français au congrès

Voir l’article « Naître et Vivre au congrès de l’ISPID à Florence -octobre 2023″